mercredi 6 juillet 2016

A l'intérieur




"La cabane se réchauffe doucement et je reste près du feu. Les chats ont tout compris. Penser à vérifier, à mon retour en France, si une "psychanalyse de la cabane" n'a pas été publiée, parce que ce soir, je me sens aussi bien qu'un fœtus.


D'abord il y eut la matrice organique où s'élabora la vie. Dans les marais, les houilles et les tourbières, les bactéries macéraient. De la soupe primitive allaient jaillir les formes plus complexes du vivant. Puis la Terre délégua le soin de maintenir la chaleur. Les utérus, les poches marsupiales, les œufs firent office de couveuse. Les habitats primitifs remplirent à leur tour le rôle d'incubateur. Les hommes se tinrent dans les cavernes, au sein même de la Terre. Ensuite, igloos et yourtes rondes, cabanes de bois et tentes de laine répondirent à l'impératif. Dans la forêt sibérienne, l'ermite dépense une immense énergie à chauffer son abri. Le corps y trouvera toujours sécurité et bien-être. Dès lors, l'homme des solitudes est prêt à courir les bois, à grimper les montagnes dans le froid et les privations. Il sait qu'un havre l'attend. La cabane remplit la fonction maternelle. Le danger est de se trouver trop bien dans sa tanière et d'y végéter en état de semi-hibernation. Ce penchant menace bien des Sibériens qui ne parviennent plus à quitter l'atmosphère de leur cabane. Ils régressent à l'état d'embryon et remplacent le liquide amniotique par la vodka." 

Sylvain Tesson, Dans les forêts de Sibérie, fevrier-juillet 2010

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Plongée sublime dans un intérieur ancestral : Descendre dans la grotte Chauvet de Sur les Docks