mercredi 30 novembre 2016

Let it be









On ne demande pas à un nouveau-né de justifier son existence
Sa présence suffit à nous émerveiller
Let it be

On ne demande pas à une fleur de justifier son existence
Sa présence suffit à nous émerveiller
Let it be

R-appellons-nous
Re-member
Regardons la lumière que nous sommes tous





mercredi 6 juillet 2016

A l'intérieur




"La cabane se réchauffe doucement et je reste près du feu. Les chats ont tout compris. Penser à vérifier, à mon retour en France, si une "psychanalyse de la cabane" n'a pas été publiée, parce que ce soir, je me sens aussi bien qu'un fœtus.


D'abord il y eut la matrice organique où s'élabora la vie. Dans les marais, les houilles et les tourbières, les bactéries macéraient. De la soupe primitive allaient jaillir les formes plus complexes du vivant. Puis la Terre délégua le soin de maintenir la chaleur. Les utérus, les poches marsupiales, les œufs firent office de couveuse. Les habitats primitifs remplirent à leur tour le rôle d'incubateur. Les hommes se tinrent dans les cavernes, au sein même de la Terre. Ensuite, igloos et yourtes rondes, cabanes de bois et tentes de laine répondirent à l'impératif. Dans la forêt sibérienne, l'ermite dépense une immense énergie à chauffer son abri. Le corps y trouvera toujours sécurité et bien-être. Dès lors, l'homme des solitudes est prêt à courir les bois, à grimper les montagnes dans le froid et les privations. Il sait qu'un havre l'attend. La cabane remplit la fonction maternelle. Le danger est de se trouver trop bien dans sa tanière et d'y végéter en état de semi-hibernation. Ce penchant menace bien des Sibériens qui ne parviennent plus à quitter l'atmosphère de leur cabane. Ils régressent à l'état d'embryon et remplacent le liquide amniotique par la vodka." 

Sylvain Tesson, Dans les forêts de Sibérie, fevrier-juillet 2010

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Plongée sublime dans un intérieur ancestral : Descendre dans la grotte Chauvet de Sur les Docks

lundi 9 mai 2016

A la manière des trois petits cochons


La super cabane se cherche, se construit, se déconstruit sans arrêt, tout à la fois qu'elle est permanence et nécessité.

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Il y a deux ans, il y a eu la découverte du PEROU, le Pôle d'exploration des ressources urbaines, et du film "Considérant", l'histoire d'une construction au(x) coeur(s) d'une zone que personne ne veut défendre, puis d'une destruction froide à coup de machines qui craquent si facilement les baraques de bois et de clous ; à coup de litanie administrative : article "Construire plutôt que détruire".





Une litanie administrative que j'ai trop bien connue et qui m'a amené à considérer qu'il faut réinventer les formes de FAIRE face à la puissance publique aveugle. J'ai vu que lutter sur son terrain, code en main, c'est déjà perdre. Il faut lui filer entre les doigts, aller sur un terrain qu'elle ne connaît pas. Le coeur, les mains pour construire, pour se tenir ensemble, les jambes pour courir, par exemple (tiens, une émission s'interrogeant sur des nouvelles formes d'engagement). Peu importe sa destruction chaque fois répétée.

Le PEROU continue à FAIRE dans la "Jungle" de Calais. Ecouter ces expériences qui se construisent et se renouvellent sans cesse, en-dehors de catégories que l'on voudrait figées, cette nécessité qui vit malgré la destruction : émission Les Nouvelles Vagues (France Culture) du 25.04.16.

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Trois ans après la destruction du bidonville de Ris-Orangis, le château commun de Nuit Debout et ses occupants au coeur de la commune sont vidés avec la violence non seulement destructive mais ostentatoirement répressive. Article de Louise Noir dans Lundi matin, extrait :

"(...) La préfecture justifie cette brutalité policière par la présence de « constructions en dur » illégales, hors je ne considère pas qu’un édifice pouvant être détruit par la force des bras est une « construction en dur », je considère par contre le château fort comme la métaphore d’une nécessité défensive, collective et déterminée pour survivre.



Déployant un blocus, empêchant l’apport de matériaux, cautionnant le vol de nos outils, tabassant les occupants, la préfecture exprime bien plus justement son envie de nous détruire que dans ses communiqués. Dans cette même nuit du 28 au 29, dans cette époque où le ministère de la culture explique que l’art peut servir à canaliser les colères de banlieue ou même à être un « facteur de citoyenneté », les policiers ont mis à la poubelle une demi-douzaine de toiles peintes par des étudiants, ont démontré que l’État méprise définitivement les artistes.


La nasse de la république menace la place du château d’eau, du château fort, du château commun. Si nous perdons, il est vrai, beaucoup de batailles dans la rue, nous tenons bon et agissons à la manière des trois petits cochons. Notre manière d’aborder la guerre en cours, c’est de courir vite, de reconstruire, de se protéger, d’inventer, de peindre, de recommencer."

+ Communiqué (image Lundi matin) :





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Une nouvelle ZAD a vu le jour à Montpellier pour soutenir les Enfants de la Colline et faire échec à un projet immobilier dans le quartier de la Colline de Las Rébès : article Reporterreprésentation par Nuit Debout Montpellier.







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Vivre, survivre, inventer, construire sur les décombres d'un monde qui se meurt "mais qui tarde à mourir".


lundi 11 avril 2016


Des gens qui pour la première fois de leur vie ont mis les mains dans la terre place de la république, bravo le Jardin Debout. Des enfants qui ont planté des fleurs au cœur de Paris. Et ce matin, un genre de "Soleil Vert" version 2016 Mairie de Paris, les employés communaux foutent à la benne tout ce qui avait été construit, pions d'un spectacle absurde (images Huffingtonpost). Puis, tragi-comédie acte 2 ce soir : les CRS qui encerclent la place de la république foutent un coup dans la grande marmite de mafé longuement cuisiné et jettent de la nourriture pour 200 personnes au macadam. A 23 h, Radio Debout diffuse un échange enregistré après cette scène : les manifestants très très motivés pour convaincre les représentants de l'ordre y mettent tout leur cœur <3 et, au milieu de : "ce n'est pas toi qu'il a voulu insulter, c'est ton uniforme", "allez, enlevez votre uniforme, venez avec nous" - "hé mais il fait froid", parviennent à décrocher un timide "mais on est avec vous" (ce dialogue est une pépite, bravo les gars pour votre détermination faroucho-rigolote, petite chronologie révolutionnaire à l'appui). Et puis là-bas loin loin aux confins de cette république, cet enfant de 5 ans qui ne comprend pas un traître mot de gaulois, que l'on met seul face à un juge visio-conférencé, avant de l'expulser, dans son intérêt. Tout va très bien madame la marquise. Heureusement, il y a des poseurs de questions qui se rencontrent, et maintenant qu'ils parlent ne veulent plus se taire.




Pendant que les cols blancs usent et abusent des "valeurs de la république" : communiqué Gisti - Anafé du 11 avril 2016

Et puis tiens, je viens de l'apprendre, 13 jours de grève générale à Mayotte, une Ve Rép. qui fleure bon la IIIe...

dimanche 27 mars 2016






Le caillou dans la chaussure ne fait déjà plus mal. La morsure douce du soleil. Elle nous tient par la peau comme maman. L'odeur partout de la poussière devient notre cuirasse doudou tannée et aimée d'amour habitude. Ce petit serpent de lacet essaie tout le temps de s'échapper, on le rattachera plus tard, le plus souvent on arrive à éviter ses pièges. Les stries grenat font un bon début de tatouage de pirate, c'est l'œuvre des ronces. Les ronces noires et bleues de l'embrouille. Et ma tête. C'est pour ça, j'étais bien caché. Ah je commence à entendre son grelot. Je suis en train d'oublier le soleil. L'odeur sèche de la poussière est maintenant obligée de se coltiner avec les tannins du sous-bois. Je la retrouve avec les grigris libellules et les bourdonnements de la vie moins endormie. Toujours aussi belle, toujours aussi elle, parfaite et continue bien que changeante. Je libère tout, le serpent, le caillou, la cuirasse, pour la rejoindre. Ma concentration s'est changée en sourire croquant, mes cloches tintent, mon réveil cliquète. Ma pataugeoire ô mon adorée - j'ai gobé une mouche.











Un arbre, deux arbres, trois arbres, quatre arbres... Je peux dormir avec vous ? Je ne sais plus compter. Ce sont les étoiles qui me content et me frottent le ventre quand les couleurs se taisent. Le grand livre que je trimballe s'ouvre de nouveau. Un non-lieu en forme de U est une bonne fabrique d'histoires borgnes qui se cognent contre les murs. Les hauts lieux n'ont qu'à bien se tenir. Demain j'enfilerai un slip rouge.


mercredi 9 mars 2016

Belle journée des possibles ♥︎



Utiles et jetables
c'est pas notre langage

Briser les cHAINEs
CoLABORer

L'humain n'est pas une variable d'ajustement

Fric partout
Richesse nulle part

Tous au jardin

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"(Les enfants) ont l'impression, à ce moment-là, que l'autre n'est qu'un obstacle ; alors qu'il faut leur dire, parce que c'est la vérité, que l'autre est toujours une source."

"Rencontrer les autres, rencontrer des regards, alors je deviens moi. Je deviens moi en regardant les autres. C'est ça, la société du temps libre. Celle où on aura surtout le temps d'échanger des regards, et puis, de temps en temps, des sourires, et peut-être même encore mieux."

Merci monsieur



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Edit : et un super article de Jérôme Choain : "C'est confirmé : je suis plus utile au chômage" (+ lien vers la vidéo supprimée de l'article)

samedi 30 janvier 2016

Joker



Il y a peu de temps je répondais ceci à mes interlocuteurs :


"Je ne souhaite heurter personne, mais simplement partager une réflexion. 
Je ne sais pas ce que c'est d'être dans un état de schizophrénie. Je me garderais bien de recommander quoique ce soit à qui que ce soit. 
Par contre, en échangeant ensemble des pistes de réflexion, on peut peut-être chacun se nourrir, s'apporter et avancer sur son propre chemin. 

Il y a une chose que l'on peut constater, c'est que l'homme, avec son cerveau plus développé que les autres êtres vivants, a plutôt tendance à vouloir tout régenter, imaginer et créer des solutions pour tout - mais avant tout pour lui - parce que son cerveau est capable de produire des idées à l'infini. 
Dans cette course, l'homme oublie une chose essentielle : c'est l'humilité de reconnaître qu'il ne sait rien et qu'il n'est pas au-dessus du reste de la nature
Les mécanismes naturels sont d'une complexité immense pour nos perceptions et réflexions simplificatrices. Si le mythe du progrès scientifique a encore de beaux jours devant lui, on se rend surtout compte aujourd'hui à quel point notre méconnaissance de tout cela est immense. 
Le corps humain n'échappe évidemment pas au prisme de la complexité de la nature. Or l'homme, toujours dans sa grande humilité, a décidé de faire le médecin ou l'apprenti-sorcier (je n'ai rien contre les sorciers) en intervenant sur des mécanismes qu'il ne maîtrise pas. "On va mettre un peu plus de cela, comme ça, cela fera baisser ceci". Et on dérègle des réglages très fins du corps qui nous échappent totalement. 
A trop vouloir réfléchir sur ce qui va être bon pour nous en fonction de telle formule mathématique, on en oublie d'écouter notre propre corps et notre propre ressenti. On cherche bien sûr à soulager notre souffrance, mais par des mécanismes extrêmement interventionnistes, qu'ils soient chimiques ou naturels, au lieu de revenir à des choses simples :
réfléchir à l'environnement qui me convient : un environnement où je peux être moi, ne pas être agressé, me reposer, être dehors, être avec mes amis, ma famille, nourrir des relations de qualité, me nourrir de choses naturelles, physiologiques et peu modifiées qui ont elles-mêmes évolué dans un environnement le plus naturel et le moins modifié possible... 


Pour moi, favoriser l'émergence de ces conditions c'est tout le soin qu'on peut s'apporter les uns aux autres. 
Pour moi, il est plus dangereux de s'administrer des choses, naturelles ou non, aux vertus très puissantes, que de par exemple jeûner quelques jours et progressivement quand on se sent prêt et qu'on écoute son corps et des gens bienveillants et expérimentés. A la base, nous ne sommes pas des êtres suicidaires, ni de la destruction. 
Alors oui, il y a des techniques qui peuvent paraître simplistes pour s'attaquer aux maladies des êtres évolués que nous sommes, mais jusqu'où nous mènera cet interventionnisme effréné ? 

Je terminerais en citant Masanobu Fukuoka (La révolution d'un seul brin de paille, 1975) : 

"La raison pour laquelle les techniques perfectionnées semblent nécessaires est que l'équilibre naturel a été tellement bouleversé par ces mêmes techniques que la terre en est devenue dépendante.
Cette ligne de raisonnement ne s'applique pas seulement à l'agriculture, mais aussi bien à d'autres aspects de la société humaine. Médecins et médicaments deviennent nécessaires quand les gens créent un environnement malsain. L'éducation institutionnelle n'a pas de valeur intrinsèque mais elle devient nécessaire quand l'humanité crée une situation dans laquelle on doit devenir "instruit" pour y faire son chemin.""

*

J'écrivais donc cela dans un contexte de lecture du livre de M. Fukuoka précité et de sa philosophie du non-agir. Je le mentionne par commodité mais cela me met mal à l'aise d'enfermer une pensée, une façon d'appréhender le monde dans une étiquette - tout comme l'étiquette "permaculture" peut de plus en plus m'agacer. Alors je le redis : ces mots-là ne comptent pas, il faut aller chercher ce qu'il y a derrière. Bref, c'est une lecture, une plongée, que je ne peux que recommander. D'ailleurs, il s'agit avant tout d'un récit d'une expérience. 
Et j'écrivais cela en réaction aux nombreuses "bonnes idées", "recettes" que l'on peut trouver un peu partout pour résoudre des problèmes de façon naturelle. C'est parfois un peu la course à qui aura la bonne recette à sortir du chapeau. Et, même dans une volonté de respect de la nature, même s'il est bien sûr enrichissant de faire circuler de l'information, je me dis chaque fois que l'on retombe dans le piège de la pensée symptomatique. Celle qui se focalise sur le symptôme émergent sans reconsidérer tout l'ensemble. On ne peut faire l'économie du chemin qu'il y a à emprunter. Du long sentier à parcourir dans les collines. De la réflexion sur notre milieu.

Dans le billet "Pourquoi la permaculture ?", je mentionnais une nécessité de mobiliser de l'énergie créative au service de la VIE pour sortir de l'ornière contemporaine.

J'aimerais apporter de plus amples développements sur ce point, cet attribut créatif qui nous serait propre, à nous les humains.

Car ce n'est pas une nouvelle course au plus malin dont on a besoin. Y compris dans le domaine des "solutions naturelles". Il est justement temps de mettre fin à cette règle, corollaire de la loi du plus fort qui prévaut dans notre espèce depuis des temps immémoriaux.

Non, c'est la loi du simple, du sans calcul, qui devra s'imposer.



On a besoin de simplicité, d'humilité et d'insoumission.

On a besoin de comprendre ce dont on fait partie et ce qui nous porte. 
Mais il s'agirait plus de communication intelligente avec ces éléments. Car jusqu'à présent notre démarche pour comprendre se fait dans l'analyse, la conceptualisation, la dissection et l'appropriation du vivant. Nous sommes profondément matérialistes. Notre cerveau nous pousse à ça. Or il faut devenir spirituels. Tant que l'on sera dans le rationalisme pur, on se trompera de chemin. Car force est de constater qu'on a beau avoir des milliards de neurones, nos capacités de perception sont sous-développées. Et ce malgré notre renfort de machines pour aller toujours plus loin dans le décorticage matérialiste de ce qui nous entoure. Soyons enfin lucides, honnêtes et éveillés : sortons de l'illusion que l'on peut tout maîtriser, maîtriser tous les paramètres. C'est hors de notre portée. Nous ne pouvons pas englober toute la "réalité", toutes choses que l'on aimerait enfermer dans un seul mot. C'est comme si nous voulions mettre le monde entier et l'infini dans une boîte pour la tenir dans notre main. L'appropriation. C'est juste un tour que nous joue notre cerveau. Eh oui, ce prodige ne nous rend pas toujours service. Rien ne nous appartient vraiment, alors que nous appartenons à un ensemble, un tout.

Nous ne savons rien. Nous ne savons rien de ce qui se trame. Ayons l'humilité de le reconnaître, arrêtons de nous attribuer un point de vue privilégié d'observateur extérieur de l'univers. Cette place n'existe pas, excepté dans un monde d'idées, de nos idées.

Qui sommes-nous ? Ne serions-nous qu'une représentation ? À l'instar de la façon dont on traite tout le reste des éléments du monde ?

Nous pouvons ressentir. 
Que fait naturellement un enfant ? 

(Parenthèse : l'enfant à l'état de nature est aussi idéalisé ici je le concède, c'est un biais, on n'y échappe pas, pour faciliter la compréhension).

Que fait alors naturellement un enfant ? Il ressent. Il est là ici et maintenant. Il sait ce dont il a besoin, ce dont il n'a pas besoin (même si on lui insuffle très rapidement des besoins qui ne sont pas les siens). Il a mal, il rit, il pleure et il est heureux. Il n'a pas l'esprit embrouillé. Il ne passe pas son temps en quête du sens de la vie. Ses sensations suffisent à son bonheur. Ses douleurs sont vraies.
Il pose des questions, mais ses questions restent des questions. Des pourquois à l'infini.
Car au fond il comprend mieux le monde que nos esprits tordus. Des esprits tordus comme des arbres que l'on a tellement taillé et contraint, que l'on ne peut plus laisser sans entretien. De sorte qu'ils n'ont pas pu librement, et seuls, déployer leur harmonieuse ramure.

Oui les enfants savent que le monde c'est des pourquois à l'infini. Et nous voulons lui coller une réalité implacable.


Nous sommes très rapidement sous l'emprise de la société, de la norme qui s'immisce dans nos têtes, même quand personne n'est là pour nous dicter ce que nous devons faire et ce que nous n'avons pas le droit de faire.
Puis après, dans le meilleur des cas, on passe une autre partie de sa vie, à essayer de retirer toutes ces peaux qu'on nous a mises sur le dos. A re-questionner.

Pour se libérer. Se libérer d'un monde d'idées et de représentations. Faire ré-émerger notre être profond. Pas cet avatar qui remplit sa fonction sociale. Il ne s'agit pas de chercher un sens en décryptant le sens du monde, c'est une course vaine qui rend malheureux. Il s'agit de vivre le sens par cette libération, cet éveil.

José Mujica, l'ex-président de l'Uruguay, dit : 
"Cesser de lutter c'est cesser de rêver. 
Lutterrêver, fouler le sol de ses pieds, se confronter à la réalité, voilà le sens de l'existence." 
C'est une expérience quotidienne.

A + B = C, c'est une béquille, un langage de notre élaboration qui nous permet de bricoler nos petites maquettes, nos petits systèmes. Face aux "enjeux" actuels, nous n'avons pas besoin de déployer une énergie folle ni pour poursuivre plus avant le développement de ce langage. Ni pour inventer un nouveau langage pour dépasser celui-ci. Nous avons seulement besoin de retrouver notre langage des émotions premières, des ressentis premiers.

Cela ne passera que par cette expérience quotidienne de re-connexion à la nature, aux cycles, au cosmos... Fouler autre chose que l'asphalte autrement qu'en baskets. Il n'y a que ça pour nous faire exister réellement tels que nous sommes. Débarrassés de nos oripeaux.

L'existence sociale ne peut être libératrice si la société elle-même n'est pas connectée à la nature par l'intermédiaire des êtres qui la composent.

Je suis convaincue, comme John Trudell (quel discours ce 18 juillet 1980, alors que je commençais à peine à exister), que cette libération individuelle est un préalable au commencement d'un parcours collectif heureux.


Nous sommes un tout, nous ne formons qu'un seul corps. Ce qu'on a vu avec nos machines, c'est que le corps est construit notamment à partir de cellules qui vivent et meurent, sont connectées, et agissent pour elles-mêmes et au service de l'ensemble. L'ensemble ne peut pas bien fonctionner si chacune des cellules ne mène pas simplement sa vie de cellule en bon échange avec les autres. Une super-cellule autonome ne vaut rien. Ca n'existe pas. Le monde ce n'est que des chaînes trophiques. Tout est échange, tout est connexion. Meilleure est la circulation d'énergie, mieux l'ensemble se porte.

Il nous faut donc se repenser avec humilité, ainsi que nos agissements, et le mettre en pratique. C'est ce qu'a fait Fukuoka. C'est ce qu'il nous livre.
Reprendre notre place simple dans le cosmos parmi les autres éléments. Je suis la première surprise de me trouver à employer ces mots que je ne considérais pas dans la vie que j'ai menée, matérialiste, avec pour seule transcendance la considération suprême de l'humain et la philosophie des droits de l'Homme. Or ce que je n'ai cessé de voir, ce sont des gens, à commencer par moi, qui se battent pour faire reconnaître des droits à d'autres, et mettent le sens de leur existence là-dedans en y consacrant toute leur énergie (encore que je n'éructerai pas ici mes critiques acerbes sur les "âmes charitables" qui grouillent dans ces milieux), avant de se rendre compte qu'ils ne parlent même plus à leur voisin, qu'ils n'arrivent pas à décrocher un sourire, un regard, pour l'offrir à un passant, à un voisin de bus. On l'exclut, lui, de notre monde. Tout comme on exclut cet arbre ou cette plante herbacée qui vont gêner la construction de notre monde factice. Tout comme on exclut la m**** qui part dans la cuvette, puis on ne sait où. Ça ne nous concerne plus. On ne daigne pas d'existence à tout cela. On les nie purement et simplement.

Ce cloisonnement n'est plus possible, plus soutenable, il est contre notre nature, il est en train de nous perdre. Tout comme nous écrivons nous-mêmes notre propre tragédie, nous détenons la clé pour en sortir.

L'autre jour, après avoir appris que l'on avais retiré le renard de la liste des nuisibles pour la chasse en Savoie, je me disais qu'on devrait p't'être bien retirer le mot, qui justifie à lui seul un droit de vie ou de mort. Car qui est nuisible ? C'est encore tellement significatif de notre pensée que l'homme est Roi dans ce monde, qu'il peut s'arroger le droit de décréter qu'une espèce n'est pas "utile", qu'elle est même "nuisible" = permis d'éradiquer, juste à cause de notre inconscience, notre inconsistance - et notre inconséquence pure parce qu'en fait on ne sait rien - qui lui ont collé ce qualificatif. (Edit : Petite vidéo de Damien Dekarz "Utiles ou nuisibles ?", au passage, qui montre bien que sans maîtriser tous les paramètres on ferait mieux de s'abstenir).


J'ai évoqué au début de cet article l'insoumission. On est tous dans le même bateau. Qui peut se prétendre supérieur à l'autre dans cette existence ? Nous sommes à des endroits différents dans ce bateau, mais il ne saurait y avoir de verticalité entre nous. 
De fait, il n'y a que les "lois biologiques" pour nous contraindre. Aucun concept moral là-dessous, j'entends "loi biologique" au sens où si tu sors nu par -40°C, il y a des chances que tu congèles sur place. 
C'est cette conscience retrouvée de notre insoumission qui nous rendra particulièrement responsable pour nous et ce qui nous entoure. Des jeunes gens que l'on dresse contre le racisme ne seront pas non racistes s'ils n'ont pas conscience de cette meurtrissure dans leur chair. C'est juste un dressage, ce que nous n'avons jamais cessé de faire. Depuis tout petit, c'est soumets-toi. Ne cherche pas à expérimenter seul, ne cherche pas à comprendre. Et on ne fait qu'expérimenter la défiance.
Ce n'est pas à coup de propagande dans un sens ou dans un autre que l'on bâtit une société sereine où amour et non-violence sont les expériences qui nous unissent. Le corollaire c'est que nous devons défaire le paternalisme et la condescendance qui régissent tous nos rapports sociaux, notre penchant pour la relation dominant-dominé (est-ce un penchant ?). Encore une fois, tout le bien que l'on peut s'apporter mutuellement c'est de créer, dans la simplicité, les conditions de libération de la pensée. Qui es-tu pour me dire ce que je dois penser ? Je dois pouvoir expérimenter le chemin en conscience. La voie n'est pas tracée.


(Edit : Comme mentionné dans les commentaires, je ne suis pas très à l'aise non plus avec l'idée de norme dans la nature. C'est encore un de nos concepts. Je voudrais partager cette vidéo, ce qu'y dit Thierry Casasnovas me parle vraiment + J'ai envie d'ajouter les explications de Céline Alvarez sur ses expériences d'accompagnement éducatif éclairé par ce que mettent en évidence les neuro-sciences, ou la physiologie, sur la nature humaine).

Enfin, pour clore cette logorrhée impérative qui n'explique peut-être rien si ce n'est l'obsession d'exprimer une expérience qui se vit et se déploie : en permaculture, d'autres ont parlé de bon sens, de solutions simples. C'est cela qu'il faut retenir. Avant de s'engouffrer dans la construction de systèmes très élaborés, miroirs anthropomorphes de nos réflexions trop ambitieuses et embrouillées (n'est-ce pas ? me dis-je à moi-même).


***

Allez hop, je laisse les derniers mots à Masanobu Fukuoka (microbiologiste japonais reconverti en paysan de l'agriculture sauvage), extrait de La révolution d'un seul brin de paille (1975). Le gras sur les mots, c'est moi qui l'ai mis. L'extrait ne le reflète pas mais c'est un livre qui raconte d'abord une expérience avant d'exposer une pensée :

"Ce qui arrive au riz et à l'orge se passe continûment dans le corps humain. Jour après jour les cheveux et les ongles poussent, des dizaines de milliers de cellules meurent, des dizaines de milliers de cellules supplémentaires naissent ; le sang du corps aujourd'hui, n'est pas le même qu'il y a un mois. Vous pensez que vos propres caractéristiques seront transmises à vos enfants et à vos petits enfants, vous pouvez dire que vous mourez et que vous renaissez chaque jour, et que vous vivrez encore pendant de nombreuses générations après la mort.
Si l'on peut faire l'expérience de la participation à ce cycle, le sentir chaque jour, rien d'autre n'est nécessaire. Mais la plupart des gens sont incapables de jouir de la vie comme elle passe et change de jour en jour. Ils s'accrochent à la vie telle qu'ils en ont déjà l'expérience, et cet attachement reposant sur l'habitude porte avec lui la peur de la mort. En ne faisant attention qu'au passé, ou au futur, qui doit encore venir ils oublient qu'ils sont en train de vivre sur la terre ici et maintenant. Se débattant dans la confusion, ils regardent leur vie passer comme dans un rêve.
"Si la vie et la mort sont des réalités, la souffrance humaine n'est-elle pas inévitable ?"

"Il n'y a ni vie ni mort."

"Comment pouvez-vous dire cela ?"
Le monde lui-même est une unité de matière dans le flux de l'expérience, mais l'esprit des gens divise les phénomènes en dualités telles que vie et mort, yin et yang, être et néant. L'esprit en arrive à croire en la valeur absolue de ce que les sens perçoivent et c'est alors que pour la première fois la matière telle qu'elle est se change en objets tels que les êtres humains les perçoivent normalement.
Les formes du monde matériel, les concepts de vie et de mort, de santé et de maladie, de joie et de tristesse, tout prend sa source dans l'esprit humain. Dans le soûtra, quand Bouddha dit que tout est vide, non seulement il dénie une réalité intrinsèque à tout ce qui est construit par l'intelligence humaine mais il déclare aussi que les émotions humaines sont des illusions.
"Vous voulez dire que tout est illusion ? Il ne reste rien ?"

"Rien ? Le concept de "vide" reste encore apparemment dans votre esprit", dis-je au jeune homme. "Si vous ne savez pas d'où vous êtes venu ni où vous allez, alors comment pouvez-vous être sûr que vous êtes ici, debout en face de moi ? Est-ce que l'existence ne signifie rien ?"

"..."
L'autre matin j'ai entendu une fillette de quatre ans demander à sa mère : "Pourquoi suis-je née dans ce monde ? Pour aller à la maternelle ?"
Naturellement sa mère ne pouvait pas dire honnêtement : "Oui, c'est cela, aussi vas-y." Et cependant on pourrait dire que les gens, aujourd'hui, sont nés pour aller à la maternelle.
Jusqu'au lycée compris les gens étudient avec assiduité pour apprendre pourquoi ils sont nés. Ecoliers et philosophes, même s'ils ruinent leur vie dans la tentative, disent qu'ils seront satisfaits de comprendre cette seule chose.
A l'origine, les êtres humains n'avaient pas de but. Maintenant s'inventant un but ou un autre, ils luttent désespérément pour essayer de trouver le sens de la vie. C'est une lutte sans adversaire et sans repos. Il n'y a pas de but auquel l'homme doive penser, ou à la recherche duquel il doive partir. On ferait bien de demander aux enfants si oui ou non une vie sans but est dénuée de sens.
Depuis l'époque où il entre à l'école maternelle commence la souffrance de l'homme. L'être humain était une créature heureuse mais il créa un monde dur et maintenant il lutte pour essayer de s'en évader.
Dans la nature il y a la vie et la mort, et la nature est pleine de joie.
Dans la société humaine il y a la vie et la mort et les gens vivent dans la tristesse."


Ecole buissonnière