mercredi 12 décembre 2018

Les mots ne sont que





"Les mots ne sont que des points de repère que l'on doit délaisser aussitôt que possible."

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"Le mot "Dieu" s'est vidé de son sens, car on en a abusé pendant des millénaires. Je l'emploie parfois, mais avec parcimonie. Quand j'affirme que le terme est galvaudé, je veux dire que certaines gens, qui n'ont jamais ne serait-ce qu'entrevu le sacré ni même jamais eu le moindre aperçu de l'infinie vastitude que le mot abrite, recourent à ce terme avec grande conviction, comme s'ils savaient de quoi ils parlent. Ou bien que d'autres personnes le rejettent, comme si elles savaient ce qu'elles nient. Cet abus d'emploi a donné naissance, par l'ego, à d'absurdes croyances, affirmations et illusions du genre "Mon ou notre Dieu est le seul Dieu véritable et votre Dieu est faux" ou encore comme le célèbre énoncé de Nietzsche : "Dieu est mort."
Le mot Dieu est devenu un concept fermé. Dès qu'il est prononcé, une image mentale se crée, qui n'est peut-être plus celle d'un vieux patriarche à la barbe blanche, mais qui reste encore et toujours une représentation mentale de quelqu'un ou de quelque chose qui se trouve en dehors de vous. Qui plus est, inévitablement du genre masculin.
Ni le terme "Dieu", ni "Être", ni quelque autre expression que ce soit ne peut définir ou expliquer l'ineffable réalité qu'abrite le mot en question. En fait, la seule question importante à se poser est la suivante : "Ce mot vous aide-t-il ou vous empêche-t-il de faire l'expérience de ce qu'il désigne ?" Fait-il référence à cette réalité transcendantale qui existe au-delà de lui-même ou s'emploie-t-il à tort et à travers pour ne devenir rien de plus qu'une idée à laquelle votre tête peut croire, qu'une idole mentale ?
A l'instar du terme "Dieu", le mot "Être" n'explique rien. Par contre, il a l'avantage d'être un concept ouvert. Il ne réduit pas l'infini invisible à une entité finie et il est impossible de s'en faire une image mentale. Personne ne peut se déclarer être l'unique détenteur de l'Être, car il s'agit de votre essence même et que celle-ci vous est accessible immédiatement sous la forme de la sensation de votre propre présence, de la réalisation de ce "Je suis" qui précède le "Je suis ceci ou cela". Le pas à franchir entre le terme "Être" et l'expérience d'"Être" est donc plus petit."

(...)

"L'identification au mental crée chez vous un écran opaque de concepts, d'étiquettes, d'images, de mots, de jugements et de définitions qui empêchent toute vraie relation. Cet écran s'interpose entre vous et vous-même, entre vous et votre prochain, entre vous et la nature, entre vous et le divin. C'est cet écran de pensées qui amène cette illusion de division, l'illusion qu'il y a vous et un "autre", totalement séparé de vous. Vous oubliez un fait essentiel : derrière le plan des apparences physiques et de la diversité des formes, vous ne faites qu'un avec tout ce qui est. Et quand je dis que vous oubliez, je veux dire que vous ne pouvez plus sentir cet état d'unité comme étant une réalité qui coule de source. Il se peut que vous la croyiez vraie, mais vous ne l'appréhendez plus comme telle. Une croyance peut certes vous réconforter. Par contre, seule l'expérience peut vous libérer."

(...)

"Le mental est un magnifique outil si l'on s'en sert à bon escient. Dans le cas contraire, il devient très destructeur. Plus précisément, ce n'est pas tant que vous utilisez mal votre "mental" ; c'est plutôt qu'en général vous ne vous en servez pas du tout, car c'est lui qui se sert de vous. Et c'est cela la maladie, puisque vous croyez être votre mental. C'est cela l'illusion. L'outil a pris possession de vous."

Eckhart Tolle, The power of now, 1999, dans la version française, Le pouvoir du moment présent.


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