vendredi 3 janvier 2014

Hébétés que nous sommes


Nathalie Lété dans son atelier


Je reviens une nouvelle fois sur des propos saisis au vol, en écoutant la radio au volant de ma voiture. Ils proviennent cette fois de la délicieuse émission de Marie Richeux, "Pas la peine de crier", que j'aime encore plus depuis qu'elle propose des semaines à thème. Je peux seulement en entendre un ou deux morceaux à l'heure où elle est diffusée. Cette nourriture bien que parcimonieuse est pleine d'apports. 

J'ai retenu un fragment, encore un, que je ne voulais pas laisser sous forme résiduelle pour finir dans les oubliettes de ma crypte. Il s'agissait de l'émission "Etre à l'Ouest", une esthétique de l'errance du 5 décembre dernier. Voici ce que dit (vers 23"30') Noëlle Renaude, dramaturge (c'est important pour comprendre ce qu'elle veut dire de son écriture) :
"L'expression "être à l'ouest", être nulle part, je ne connaissais pas du tout. (...) Je préfère la notion, celle que vous avez utilisée, d'hébétude. Ça c'est quelque chose, c'est une notion que je travaille énormément dans mon écriture. C'est à dire que je donne de l'hébétude aussi bien à ces figures, aux personnages qui traversent mes textes, qu'aux acteurs qui doivent après les prendre en charge. C'est une notion qui me fascine parce que je pense que c'est la condition de l'Homme ici, dans sa vie sur terre, c'est d'être totalement hébété, d'être coincé entre ce qui nous a produit et puis la fin qui nous attend. Et y a pas d'autre attitude à avoir que celle-là. Il y a quelque chose aussi de... c'est pas de la peur, c'est pas de l'errance, c'est pas de savoir où on est, c'est simplement d'être là, c'est au contraire une espèce de conscience extrême du désastre dans lequel on est. Et après, est-ce qu'on s'en sort ou pas, j'en sais rien, c'est pas le problème, mais en tous cas on a conscience d'être dans ce désastre-là. Et donc, ça crée effectivement des gens... enfin, mes textes sont peuplés d'hébétés, il n'y a que ça, que des hébétés. Une sorte de... ce serait comme une présence maximum, une manière d'être là à 100, 300 %."
En cette période peace & love de voeux de bonne année, je ne cherche pas à casser l'ambiance (désolée si votre ressenti est négatif, ce n'est pas le but). Ces mots me parlent et m'interpellent. Je n'avais jamais réfléchi à la notion d'hébétude. Et la lucidité ne me rend pas triste, elle me permet au contraire de mieux apprécier la marge de liberté qui est la mienne.


Petit garçon collectionneur du blog Craftykin

Les images sont issues du tableau univers de mon Pinterest.

6 commentaires:

  1. PASSION PINTEREST également <3
    Bisous bisous
    http://www.mademoisellevi.blogspot.fr

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    1. Il y a un côté addictif (un peu effrayant d'ailleurs).

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    2. J'essaye de l'éviter au risque de finir engloutie pas une tonne d'images, je ne me connais que trop bien :) !

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  3. J'ai réécouté car j'avais aussi saisi au vol ces propos. Cependant "être à l'ouest" me convenait" comme l'évocation d'un ailleurs, même guerrier, même flirtant avec la mort. L'hébétude me paraît être autre chose : comme une incompréhension, "qu'est-ce que je fiche là". L'ouest, c'est déjà habiter un quartier de la lune.

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    1. C'était sûrement hors-sujet, mais cette bifurcation sur l'hébétude m'a intéressée : le fait d'être coincé là entre deux feux, ancrés dans l'existence géographiquement mais en état d'errance.

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