mercredi 22 janvier 2014

Je me colore donc je suis et bien plus encore (part. 1)



Je voudrais poursuivre la réflexion que j'avais entamée sur ce qui se cache derrière les rituels d'embellissement. 

Au préalable, je précise bien entendu que mes visions sont très ethnocentrées, rien d'Universel là-dedans et rien d'Ailleurs. Parce que c'est un point de vue à ma hauteur - qui n'est pas grande au-delà du bout de mont nez.

Maï (aujourd'hui blonde !) abordait la sublimation de soi à travers la coloration des cheveux. 

Valérie Solvit parlait, à propos du maquillage, de se préparer à rencontrer l'autre. 

Je crois en effet qu'il y a quelque chose du dépassement de soi dans ces actions de transformation. Modifier son apparence, ce n'est peut-être pas devenir quelqu'un d'autre (certains affirment au contraire que c'est se rejoindre, c'est retrouver ce qui fait son être, ce qui nous caractérise), mais il y a dans cette démarche la présence de l'autre. On se modifie en pensant à l'autre, ou du moins en pensant à sa propre image vue de l'extérieur. On se dépasse, on s'extériorise. C'est un comportement social. Un être enfermé seul dans un endroit pendant une longue période ne cherchera plus à rencontrer l'autre et n'aura plus recours à ces gestes d'embellissement.



Se joue peut-être quand-même aussi quelque chose de l'ordre de l'altérité à l'intérieur de soi. On est un peu autre quand on se transforme, et ce même si la transformation n'est pas spectaculaire. Il y a une dimension un peu magique ou de désinhibition, un peu comme avec l'alcool (sauf que celui-ci a un effet physique réel) : on ajoute un produit qui nous permet de nous sentir un peu autre et donc d'oser des choses que l'on ne ferait pas "en temps normal". Comme au carnaval aussi.

Mais cela reste soi face à soi, ou face au miroir. Au-delà du rapport à l'autre qui est déjà présent dans cette préparation, il y a le rapport à soi-même qui se joue. L'autre motive mes gestes mais l'idée, l'image que je me fais de moi aussi. Qu'est-ce que je veux donner à voir de moi ? J'ai envie qu'on m'aime, mais qu'on m'aime pour quoi ? Que vais-je choisir de mettre en avant ?

Se posent alors les grandes questions :

De la liberté dans ces gestes. A quel point est-on déterminé ? Il y a son propre vécu mais il y a aussi les influences extérieures, les codes, etc. (et là, les autres reviennent au galop).

De l'authenticité : cela met en cause son rapport à soi-même. S'accepte-t-on ? Comment se regarde-t-on ?

Je ne souhaite pas donner de dimension morale à ce propos. Et attention, pour reprendre (au hasard ;)) l'exemple de la blondeur, lorsqu'on est brune et qu'on se teint en blonde, ça ne veut pas dire qu'on ne s'accepte pas (ça peut même vouloir dire qu'on se sent tellement bien, "en accord avec soi-même", qu'on est prêt à explorer de nouvelles contrées ;)). 


Ce serait donc la démarche qui importe, et pas le geste (car derrière le même geste, se cachent différentes démarches et significations). Va-t-on agir pour se nier ou s'affirmer ? Cette alternative est bien sûr trop simpliste face aux multiples facettes de toute réalité.

En fait, derrière tout ça, c'est la question du sens que l'on donne soi-même à ces gestes qui compte me semble-t-il, et du regard que l'on va porter dessus. On a toutes et tous un vécu différent dans notre pratique des gestes de beauté. On a pu "se chercher", "se perdre" - expressions que l'on entend souvent. Me viennent alors quelques pensées lorsque l'on veut redonner du sens à tout ça, c'est à dire finalement, comme dit Maï (encore elle !), trouver beau de se faire beau, mettre de la beauté (et de la bienveillance) dans ces gestes. La suite demain !

1 commentaire:

  1. "trouver beau de se faire beau", c'est la phrase que je retiens : esthétique du geste et de l'intention, non pas du résultat. "Se faire beau", joliment désuète l'expression renvoie à un contexte sociétal, je dirais : se faire beau pour une "occasion". Un reste aussi de paroles d'enfance (et je vois une mère ou une grand-mère débarbouillant un petit visage rebelle, coiffant une chevelure rétive), ou bien alors d'un temps rythmé par des célébrations qui rassemblaient des communautés -petites ou étendues-, au fond quand "se faire beau" relevait presque du sacré (pourquoi pas) ou du rituel, renvoi à un temps et un lieu séparés du quotidien. Nostalgie de "l'habit du dimanche", du tatouage au henné, de la peinture sacrificielle ? En tout cas, quelque chose relevant d'un sens qui je crois dépasse l'intime.

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