mercredi 9 décembre 2015

Pourquoi la permaculture ?


Certains mots comptent moins qu'ils n'y paraissent. Le mot permaculture est de ceux-là. En revanche, il fait partie des mots qui méritent éminemment que l'on cherche ce qui se cache derrière.

Le problème avec le mot permaculture c'est qu'on croit avoir affaire à une nouvelle technique d'agriculture ou de jardinage. Ce n'est pas ça.



Le problème avec le mot permaculture c'est l'effet de mode qui accompagne toute pratique intéressante et nouvelle chez nous. On est nombreux à s'emparer de ce mot et à l'emmener dans beaucoup de directions, comme tout mot ambitieux qui cherche à englober une vaste réalité. Cela contribue à brouiller son sens.


Alors disons que ce n'est pas le mot qui compte. Mais venez avec moi, je vais vous raconter. Pourquoi la permaculture est devenue si importante.


Aujourd'hui le malaise que l'on rencontre largement en France, et peut-être dans une moindre mesure dans les autres sociétés occidentales, c'est le sentiment partagé d'impuissance. Ca ne va pas. On sent bien que les choses ne vont pas (et en ce 9 décembre 2015 comment pourrait-on ne pas le sentir ?). Mais que peut-on faire ? On n'a aucun pouvoir.


Toute notre énergie de vie est focalisée sur un but : avoir de l'argent. Il nous donne l'illusion du pouvoir sur notre vie. Le pouvoir d'acheter des choses. Acheter des choses pour faire vivre sa famille, pour se procurer un toit, de l'eau et de quoi se chauffer, de quoi se déplacer, etc., et enfin de quoi se faire plaisir parce qu'il faut quand-même être heureux.



Mais ce qui semble être un grand pouvoir est seulement un pouvoir d'achat. Un bien mince pouvoir en fait. Et qui a en plus l'effet pervers de nous déconnecter de la réalité naturelle du monde. Car j'achète quelque chose donc je ne sais plus comment on fait pour le faire, ni ne me rends véritablement compte de ce qu'il a fallu concrètement pour le faire : en matière, en énergie, en "personnel". J'ai parfois un petit malaise quand j'y réfléchis, mais bon il faut bien considérer que j'ai quand-même travaillé pour gagner de l'argent et que cette chose achetée est en quelque sorte le fruit de mon travail. Et puis, je n'ai pas le choix, j'ai besoin de ça pour m'en sortir.


C'est un système totalement aliénant. On se déconnecte de notre propre condition naturelle et on devient inhumain malgré nous.

Parce que ce qui fait tourner l'économie est en réalité dévoreur d'énergie et des ressources de la Terre (vous savez, cette planète qui nous porte, sans laquelle nous ne sommes rien). Et d'autre part, ça coûterait tellement cher à produire au vu de ce gaspillage d'énergie que le système ne tient que parce que ces biens de masse sont réalisés, au moins à un maillon de la chaîne, par des gens qui travaillent pour rien, autrement dit des esclaves.


Ce projet de vie autour de l'argent nous a donc déconnecté de la nature et nous a fait perdre notre pouvoir d'humain que nous avons tous à la base : savoir subvenir à nos besoins vitaux en toute autonomie.


Sauf que ce système, même s'il peut à peine encore apparaître comme un modèle pour les pays dits "émergents", est en perte de vitesse pour de multiples raisons :



.Diminution de l'élément travail (accroissement du chômage). Or comment créer de la "richesse" dans un tel système sans cet élément ? Ce système ne fonctionne que s'il y a des hommes assujettis à travailler pour d'autres hommes.



.Accroissement de la population mondiale qu'il va bien falloir loger et nourrir (la plupart des hommes ayant perdu cette faculté de se loger et de se nourrir seuls).



.Épuisement de la planète à tous les niveaux (disparition des terres arables, pollution et pillage des océans, bref, je ne poursuis pas la liste, ça commence à sentir le réchauffé bien roussi).



(...)


On se rend compte que le système sur lequel on s'est reposé parce qu'on ne connaît plus que ça, parce que ça semblait à peu près marcher et assurer notre  pérennité est en fait en train d'exhiber au grand jour ses limites criantes (ou criardes pour rester dans l'effeuillage). Nous sommes portés par une illusion qui arrive à son terme et cela fait très peur puisqu'on a justement perdu notre autonomie.



Parce que un système mondial où il n'y a qu'une poignée de personnes qui s'en sortent, et tout le reste qui coule 


c'est un système qui échoue et se noie.


Parce que un système qui puise sans fin dans un système fini (notre planète) 


c'est un système suicidaire.


Parce que un système qui dépense plus qu'il ne produit 


c'est un système qui se ruine, ou alors esclavagiste, donc inhumain, donc qui ruine les êtres sur lesquels il se repose.



La permaculture, elle nous donne des outils pour aménager et concevoir des systèmes inspirés des systèmes naturels qui s'auto-régénèrent et créent de l'abondance, et qui sont efficaces et éthiques pour cette raison.



Or sur quoi repose la résilience intrinsèque d'un système naturel ? Sur sa complexité, son fonctionnement en réseaux multiples, le fait que tous les éléments à l'intérieur ont chacun encore de multiples fonctions et des relations symbiotiques et synergiques entre eux.



Cela le rend beaucoup plus efficace, car il ne pourrait pas y avoir de système naturel et donc de vie sur terre, si l'énergie dépensée par ses éléments était supérieure à la production, et à l'apport, tirés de cette énergie.



Mais surtout cela le rend beaucoup plus solide et résilient. Car même lorsqu'une partie importante des éléments du système se trouve prise dans une bourrasque dévastatrice, le façonnement même du système, complexe, fait qu'il n'en vient pas à s'effondrer totalement et qu'il est capable tout seul de revenir à l'équilibre.



En gros, tous les œufs ne sont pas mis dans le même panier. Au contraire du système des hommes qui domine aujourd'hui le monde et qui repose uniquement sur les énergies fossiles. Aucune civilisation n'a jamais rien réalisé de plus fragile.



Sauf qu'aujourd'hui les hommes ont en plus enfreint tellement de lois fondamentales de la nature, que de tels systèmes naturels en viennent à s'effondrer (et le réchauffement climatique dont nous sommes l'auteur est une cause majeure).


Dans la réalité naturelle de ce monde, on est donc loin d'un fonctionnement simple, linéaire ou simplement circulaire. Et la permaculture propose de fonctionner exactement sur le modèle précédemment décrit pour imaginer un système.


La permaculture, conceptualisée au départ dans les années 70 par les australiens Bill Mollison et David Holmgren, est une méthode de "design" des systèmes humains (pour reprendre le terme anglais signifiant conception, aménagement, planification...).

Étant donné que l'humain n'est autre que la nature elle-même, ce que nous avons largement oublié, la permaculture peut être utilisée pour concevoir tout type de système qui répond à nos besoins essentiels d'humains : se nourrir, boire, se soigner, s'abriter, se reposer, se chauffer, se vêtir quand il fait froid, établir des relations, élever ses enfants...


Cela passe donc par la compréhension profonde des systèmes naturels. Ceux-ci sont nécessairement complexes, les éléments y ont des relations symbiotiques entre eux qu'il faut s'efforcer de déchiffrer pour ne pas briser des interconnexions complexes et risquer de mettre à mal ces systèmes naturels. En outre, "rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme" pour reprendre la célèbre formule de Lavoisier. Les déchets des uns sont les ressources des autres et tout doit pouvoir fonctionner en boucles multiples dans la meilleure synergie possible.



L'homme doit pouvoir s'intégrer dans cette nature dont il fait partie en toute harmonie et en toute intelligence. Cela devient complètement possible dès lors qu'il fait la démarche de comprendre qu'il n'est pas au-dessus de tout le reste et qu'il accepte de comprendre le langage de la nature, pour paraphraser Paul Stamets, et de communiquer avec elle.


Sans rentrer dans les détails de la méthode permaculturelle qui est en gros gouvernée par le bon sens pour qu'un système fonctionne de la façon la plus efficace (on trouve énormément à ce sujet sur Internet et dans les ressources que je rassemble sur la page dédiée), la permaculture est sans arrêt guidée par cet objectif de soutenabilité des systèmes humains (comme l'est tout système naturel). Pour que de tels systèmes fonctionnent durablement, ils sont nécessairement gouvernés par ces principes éthiques :


.prendre soin de la Terre ;
.prendre soin des Hommes ;
.partager les surplus.


Le but est que pour une calorie investie dans le système, on doit pouvoir en sortir beaucoup plus. L'inverse totale de l'agro-industrie aujourd'hui qui consomme plus que ce qu'elle produit, c'est catastrophique.



C'est donc à la fois la sobriété, car on dépense le moins d'énergie possible (et on va beaucoup réfléchir pour ça, travailler plutôt du chapeau en somme). Et l'abondance, car ce que l'on retire de ce minimum d'énergie investie est bien plus conséquent et va permettre de redistribuer à tout le monde : Terre, donc tout ce qui la compose, et humains. Ainsi on fait en sorte de maintenir le système en perpétuelle régénération.


Plus que jamais nous éprouvons le besoin de libérer notre énergie créatrice, d'invention et de la mettre au service non pas de la destruction mais de la construction, non pas de la mort mais de la vie.



Connectons-nous, appuyons-nous sur les gens qui débordent de cette énergie créatrice (et qui partagent leurs surplus !). Il y en a plein, il n'y a qu'à jeter un coup d'oeil .



Il ne s'agit pas de dire amen à la permaculture, ni d'en faire une nouvelle recette ou un nouveau dogme auquel il conviendrait encore de se soumettre. C'est une approche qui mérite tout simplement de mobiliser l'intérêt et l'intellect car nous avons un besoin crucial de repenser les systèmes. 

Bienvenue à cette approche systémique, holistique, éthique (et je pourrais ajouter pragmatique) qui nous amène à redéfinir nos besoins par ordre de priorité et à penser l'ensemble autonome dans lequel ils pourront être remplis. Il est temps car elle a jusqu'à 40 années de pratique ailleurs ! 

C'est redynamiser ses propres mécanismes de pensée. C'est élaborer des solutions aux problèmes rencontrés en prenant en compte l'intégralité des données, sans isoler les éléments de l'ensemble. C'est une ingénierie au service de l'humain et de la nature. 


Aussi, lorsqu'on me demandera la prochaine fois ce que je fais dans la vie, au lieu de marmonner un timide "j'ai des projets...", j'aurai l'outrecuidance de me présenter, en rougissant un peu quand-même, comme ex-juriste, apprentie permacultrice.

Après la théorie, la pratique.

jeudi 26 novembre 2015


Je suis en préparation d'un article sur la permaculture, mais pour celles et ceux qui voudraient aller voir ailleurs que sur leur écran, il existe beaucoup de supports pour se mettre en réseau et rencontrer d'autres personnes avec qui échanger de préoccupations communes.

En ce moment précis, j'en ai relevé deux :

- le réseau de Korakor (axé permaculture) (c'est sur facebook) où les gens se présentent, exposent où ils sont / où ils en sont et ce à quoi ils aspirent, dans le but de rencontrer d'autres gens près de chez eux et éventuellement de faire converger des projets ;

- la Terra Incognita 2015 de l'association Regenere (Thierry Casasnovas), plus axé sur la physiologie humaine mais avec une démarche globale, holistique, qui rejoint la permaculture. Pendant tout le mois de décembre, les personnes peuvent décider d'organiser des évènements chez elles ou ailleurs et le faire savoir pour rencontrer d'autres personnes proches géographiquement qui ont envie d'échanger sur ces problématiques.

Parce que c'est en commun qu'on va trouver des solutions.


*

Un chouette reportage de France 3 Centre - Val de loire qui présente la permaculture :

lundi 16 novembre 2015

Allez, les charlots


Je recommande vraiment la lecture de l'article "L'Etat islamique, cancer du capitalisme moderne" de Nafeez Ahmed, du 27 mars 2015, très éclairant sur ce phénomène, symptôme d'un système fondé sur l'or noir.

Tant que l'on n'enverra pas ce système au cimetière, on continuera malheureusement à pleurer nos morts. Or, ce pouvoir nous l'avons tout un chacun en nous réorganisant localement et en arrêtant de consommer tout ce qui continue d'entretenir ce système basé sur une manne énergétique (épuisable, qui plus est).

La tristesse est infinie. Le recueil nécessaire. Mais je refuse de voir l'histoire se répéter indéfiniment ni de continuer à vivre dans la peur et dans la plainte "du monde que l'on laisse à nos enfants". Nous sommes responsables. Prier ne sert à rien si la prière ne se transforme pas en action. Inutile également de compter sur les puissants de ce système, ceux qui tiennent les rênes. 

Pour réinventer le système, changer de paradigme, plein de gens montrent que des solutions existent déjà et qu'on peut, chacun à son niveau, dès maintenant, les mettre en oeuvre en se connectant localement. Je suis à l'affût de ces solutions qui redonnent espoir et qui se confrontent aux causes des causes. Je vais continuer à en rassembler certaines .

On peut continuer longtemps à se faire la guerre, on peut continuer longtemps à s'affronter sur nos "valeurs". Cela servira juste à prouver que l'humanité n'était qu'une gesticulation médiocre. Qui plus est, malfaisante ? Non, bien sûr que non. Arrêtons de chercher uniquement à masquer les symptômes et occupons-nous du terrain. 

On a fait de nous des dépendants ? Alors il faut commencer à s'autonomiser. Reprendre les choses à la base. Mettre fin au règne de l'argent. Il ne se mange pas, il exclut, il rend dépendant. Ré-apprendre à faire les choses, plutôt qu'à les acheter en les faisant fabriquer par des esclaves. A servir plutôt qu'asservir et qu'être servile. A utiliser notre puissance créatrice. A plusieurs, on peut arriver à faire tout ça.

Il est plus que temps de mettre fin à cette logique de mort qui nous domine depuis des temps immémoriaux, et surtout depuis l'industrialisation et les guerres mondiales. Cela ne s'est pas arrêté en 45. Ce n'est qu'une continuité et une superposition de guerres. Il y a eu la guerre froide, les guerres de décolonisation, la guerre de l'agro-industrie qui poursuit toujours son oeuvre de mort... et aujourd'hui la guerre de la terreur et la guerre contre le terrorisme. Les affrontements Est/Ouest, Nord/Sud, inter-ethniques... C'est à nous d'arrêter ça. Arrêter le mensonge. Admettre que l'on se trompe, que l'on s'est totalement fourvoyé dans cette course au soit-disant "progrès". Sortir du mythe qui conduit à notre perte. Et créer les conditions favorables à la survenue d'un système qui fasse enfin place à la logique de vie

L'humilité ouvre le chemin à un système dans lequel l'humain se re-connecte à la nature et comprend qu'il n'est pas le roi sur terre mais qu'il ne fait qu'un avec la nature puisque celle-ci n'est pas distincte de lui. Un système qui permette à la dimension sociale de l'homme de s'exprimer de la plus belle manière pour éprouver en commun le sens des mots amour, partage, joie, et bien d'autres, que nous avons en chacun de nous.


Allez, les charlots




(malgré la traduction approximative,
c'est le fond du discours qui m'intéresse,
pas la relation guide - peuple, ni l'acclamation de foule,
et encore moins le sur-ajout musical)

lundi 9 novembre 2015

Vogue, vogue...



La page Permaculture est en permanente évolution. 
Beaucoup de nouvelles ressources viennent sans arrêt à notre rescousse. 
Les champignons ont fait une joyeuse entrée en fanfare.


mercredi 14 octobre 2015

Au passage, le mot Humilité vient du latin Humilitas dérivé de Humus signifiant Terre

Dans les genêts, clématites, ronces, diplotaxes, chiendents, plantains...


J'ai vu ce magnifique plaidoyer pour l'Arbre de Francis Hallé (2013) :




Et j'ai repensé à Albert Jacquard dont je me souvenais qu'il affirmait que nous aussi sommes des "dividus" et pas des individus. Alors, nous ne sommes certes pas une colonie comme un arbre que l'on peut couper sans menacer directement sa survie, mais voici ce qu'il explique :

"La différence entre la bactérie et le caillou, c’est que la bactérie est infiniment plus complexe que le caillou, mais les forces qui jouent à l’intérieur de l’un et de l’autre sont les mêmes. Et puis les bactéries se dédoublent, 1, 2, 4, 8, etc. Cela crée du nombre mais cela ne crée pas du monde.

Un événement est apparu, il y a un peu moins d’un milliard d’années, c’est l’apparition de deux bactéries ratées qui n’étaient pas fichues de se dédoubler : alors elles se sont mises à deux pour en faire une troisième : cela s’appelle la procréation et c’est probablement l’élément majeur de tout ce qui s’est passé sur la terre.

Alors du coup, au lieu de faire du nombre, on fait du monde. Quand on se met à deux pour en faire un troisième, on fait n’importe quoi puisqu’il faut se couper en deux.

Comme le disait si bien Aristote "un individu qui est un être indivisible ne peut pas avoir deux sources". Donc nous n’avons qu’une source : le père ou la mère ? Et nous vivons encore sur cette idée-là que les pères sont plus importants que les mères.

Le raisonnement vrai c’est que comme un individu est un être indivisible qui ne peut pas avoir deux sources, et comme nous avons deux sources, nous ne sommes pas des individus mais des "dividus". Je suis un "dividu", ne me coupez pas en deux vous me tueriez, mais quand je veux avoir un enfant, je me coupe en deux, je n’envoie que la moitié de moi-même. Laquelle moitié ? Je tire au sort à chaque fois et je fais tellement de tirages au sort que je fais n’importe quoi. Je vais chercher un spermatozoïde derrière la galaxie Machin. Elle, elle est allée cherchée un ovule on ne sait trop où dans un autre univers. On a fait un enfant avec ça. Donc on fait n’importe quoi. Ce que fait la procréation, c’est qu’à chaque fois qu’on fait ce fameux troisième, on ne sait vraiment pas ce que l’on fait, on fait un autre, et comme cet autre est tout à fait différent, on est toujours étonné. Et à force de faire n’importe quoi, on fait de temps en temps, du pas tout à fait normal, de l’étrange, du raté. 

Là, il faut lutter fortement contre une idée qui imprègne notre société. L’idée que l’évolution du monde dit "vivant" a été menée par la sélection naturelle, c’est à dire qu’heureusement que la nature était là pour éliminer les ratés et donner la chance aux meilleurs. Seulement cette théorie est fausse, ou en tout cas extrêmement partielle. Les grands bonds en avant de l’évolution ont été la victoire des "ratés", c’est à dire de ceux qui n’étaient pas comme tout le monde, ceux qui ne savaient pas faire les choses que les autres savaient faire, et qui parfois savaient faire des choses que les autres ne savaient pas faire. C’est comme ça qu’un poisson est sorti de l’eau, qu’un primate est tombé des branches. Nous sommes des primates "ratés". On ne sait pas trop comment nos ancêtres se sont séparés des ancêtres des chimpanzés, mais on sait qu’une famille était à la fois l’ancêtre des uns et l’ancêtre des autres. Comment se fait-il que cela a divergé ? Il a fallu que les mutations intervenues dans une branche soient différentes des mutations de l’autre, et qu’il n’y ait pas mise en commun des mutations. Une des idées c’est que, peut-être, à l’époque, notre ancêtre à nous a été un mâle qui avait perdu son baculum (car tous les primates ont un os qu’on appelle le baculum, c’est un os dans le pénis et nous, nous n’avons pas de baculum). On peut imaginer que dans une famille de bons primates bien corrects est arrivé un garçon, un "pauvre type", qui n’avait pas de baculum. Le voilà qui se console avec une cousine à lui, qui avait la vue basse, qui n’était pas très fine. C’est le constat que c’est probablement un handicap, un ratage, une malfaçon, qui est à l’origine d’une organisation. 


Les femelles ont perdu les poils de leur poitrine qui étaient tellement utiles pour allaiter le bébé qui pouvait s’agripper, c’est catastrophique. Voilà qu’il y a un million d’années, quelques mutations ont multiplié par 10, 15 ou 20 le nombre de nos neurones. Au lieu d’avoir 5 milliards de neurones, nous en avons de l’ordre de 100 milliards. C’est catastrophique étant donné que le bassin de la mère n’est plus assez large et par conséquent le bébé ne peut pas passer. Cela a failli être la fin de notre espèce. On a trouvé une astuce, c’est de le faire naître au bout de neuf mois ce qui est évidemment trop tôt. On peut imaginer une maman chimpanzé venant voir sa cousine primate il y a un million d’années, et se disant "la pauvre, elle a toutes les malchances : ses pattes arrière n’agrippent pas les branches, son mec n’a même pas de baculum, sa poitrine n’a pas de poils, et voilà maintenant qu’elle donne naissance à un pauvre bébé qui n’a aucune autonomie, avec un crâne hypertrophié." Et puis, il se trouve qu’on s’en est sorti quand-même, et que ce qui était un handicap est devenu une chance. Aujourd’hui, le regard que l’on doit porter sur un enfant, sur un petit d’homme qui a le crâne trop gros, c’est finalement un regard admiratif, car c’est grâce à ce handicap qu’il va avoir en lui l’objet le plus complexe qui soit : le cerveau humain, cent milliards de neurones, vingt millions de milliards de connexions."

Intervention d'Albert Jacquard au Congrès ICEM pédagogie Freinet en 1996 (retranscription intégrale de la conférence ici)

Alors, dans nos peuplades occidentales et autres qui ont fondé leur monde sur la soit-disante domination de la nature (ce qui n'est pas le cas de tous les peuples du monde), il y a du chemin avant que l'on comprenne les arbres, ces dividus immortels qui, tout en restant immobiles, parviennent à se nourrir de soleil, d'air et d'eau. 
Il y a du chemin avant que l'on comprenne les primates ratés que nous sommes, qui dépendons totalement de ces derniers car même si notre impressionnant cerveau peut inventer des choses phénoménales (ce qui est à la fois un atout et une menace), nous ne disposons pas de l'équipement génétique suffisant pour nous nourrir uniquement de soleil, d'air et d'eau. Nous avons besoin du végétal.
Et il y a du chemin avant que ces deux-là vivent en harmonie. Mais si c'était le chemin que nous prenions maintenant tout de suite sans plus tarder, qu'est-ce que ce serait bien !





*

samedi 10 octobre 2015

Débroussaillage


Collaboration


Il y a peu, je suis tombée dans le bouillon de permaculture. C'est une naissance tardive qui me pousse à redoubler d'efficacité pour me mettre à la page. Du coup, j'en ai fait une de page pour organiser toutes les ressources importantes que j'ai pu trouver sur la toile.




Cette page s'appelle "Permaculture", en toute originalité (on la trouve dans un des onglets qui figurent en sous-titre du blog). Puisse-t-elle être un outil utile à d'autres qu'à moi seule.

Cette page ondulera comme une vague en perpétuel mouvement, mais je l'ai organisée en 9 points, pour le moment :

1. Présentation de la permaculture
2. Comprendre le sol, la terre qui nous nourrit
3. Comprendre les arbres, les plantes herbacées
4. Techniques de jardinage
5. Semences bio et reproductibles : entretenons la gratuité du vivant
6. Permaculture urbaine
7. Habitat et autonomie
8. Politique et permaculture (mais pas que)
9. Associations

De l'avantage de laisser pousser les herbes sauvages


Un petit avant-goût de ce qu'on peut y trouver comme document et, au passage, merci à tous ceux qui contribuent à faire circuler librement le savoir :




Bonne balade




mardi 22 septembre 2015

Cous'




Des bouts de tissus ensemble







pour s'incruster en déco chez la Sis'







bisous



lundi 24 août 2015

Maintenant

S'éloigner un peu de sa cabane pour se frotter au Grand.


Lac d'Allos, 2000 m











Cascade de la Lance




Au-dessus du Seignus


La cueillette d'épinard et menthe sauvages

***

Mon immersion, quand elle n'est pas dans ces paysages, la voilà :

"En regardant autour de nous, nous ne trouvons guère de trace de planification réussie, que ce soit dans le paysage ou dans la conception de la plupart des habitations. Les personnes s'occupant de l'aménagement du territoire sont légion, mais où est le résultat de leur travail ? A part les plantations réalisées pour l'esthétique, pour faire joli, inspirées du monde contemplatif des jardins japonais classiques ou les perspectives contrôlées des jardins du Taj Mahal (réminiscents des entrées des résidences d'apparat anglaises ou américaines, artificielles et raides) où pouvons-nous trouver des critères de planification fonctionnelle ?"
(...)
"Les pelouses bien ordonnées conduisant au Taj Mahal sont entretenues par un groupe de 20 à 30 veuves accroupies, munies de petits couteaux pour couper l'herbe. Elles sont forcées de faire ce travail dégradant pour maintenir un symbole d'une noblesse disparue, sur l'ordre de ceux qui admirent ce statut. Le patient jardinier britannique remet sa mèche de cheveux en place et taille sans trêve les haies des nouveaux riches ; l'employé municipal ne soigne les parcs et les jardins de la ville que pour ce qu'ils représentent aux yeux du public.
Une telle orientation de la "planification" consiste à forcer la nature et le paysage à saluer la richesse et la force ; elle n'a pas d'autre but ni d'autre fonction.
La seule chose que démontrent de tels modes de planification, c'est que le pouvoir peut forcer les hommes, les femmes et les plantes à gaspiller leur énergie dans un labeur imposé, servile et sans intérêt, de même que le jardinier du dimanche tondant sa propre pelouse essaie de maintenir une pâle imitation de ce statut social élevé qu'il convoite. Mais dans ce cas, il est bien sûr le serf schizoïde en même temps que le seigneur féodal, poussant sa tondeuse, brandissant ses cisailles pour tailler la haie, déformant les rosiers et les troènes pour en faire des sujets d'ornement grotesques qui reflètent son éducation mesquine et frustrante.
Nos paysages et nos habitations sont le reflet exact de nos conceptions du monde et de nous-mêmes ; il est donc rare qu'ils fassent des concessions à des principes fonctionnels ou utilitaires. Le terrain entourant les églises et les écoles témoigne du même gaspillage insensé, ce qui maintient ceux qui y vont ou qui les dirigent dans la certitude que le statut social est tout, et que l'utilité n'a ni place ni signification dans ce monde."

Permaculture 2, Bill Mollison, 1978 (traduit en français par François Couplan).


Mon chemin vers la super cabane se poursuit donc avec la permaculture :




Le site d'une super association (parmi beaucoup d'autres) : La Graine Indocile.

Et pour accéder aux livres des australiens Bill Mollison et David Holmgren qui ont conceptualisé la permaculture dans les années 70, un lien bien utile.

Un tas de choses sont accessibles sur le sujet via Internet, c'est une grande chance en terme de transmission de savoirs.

"Alors que les problèmes du monde sont de plus en plus compliqués, les solutions sont honteusement simples." Bill Mollison

Alors on s'y met. On fait sa part maintenant. Et quelle bouffée d'espoir.


Edit d'octobre 2015 : une page Permaculture est en ligne sur le blog.

mardi 21 juillet 2015

Aiguebrun













La vie sur terre aurait dû rester simple.

Peut-elle le redevenir ?

mercredi 3 juin 2015



Je découvre humblement des tas de choses importantes en ce moment.

Alors je me fais toute petite.

Je reviendrai sûrement pour parler de super cabane.

mercredi 18 février 2015

mercredi 4 février 2015

RESISTER

Les moissons continuent, dans le silence, et parfois pas :

Emission Hors-champs du 29 janvier 2015 (France culture). Laure Adler s'entretient avec Kamel Daoud, écrivain et chroniqueur à Oran (ouvrages publiés en France : Minotaure 504, 2011 ; Meursault, contre-enquête, 2014), qui éprouve au quotidien le prix de ne pas taire sa pensée dans son pays.
L'entretien se termine au téléphone : Kamel Daoud est reclus. Un imam algérien a prononcé en décembre une fatwa à son encontre, et depuis lors renouvelé ses menaces de mort, en toute impunité.

Voici comment cet échange se termine :

Laure Adler :

"Où réside l'espoir selon vous ?"

Kamel Daoud : 

"Dans la dignité.

Je crois... De plus en plus, je crois qu'on est en train de perdre.

Mais je crois que la dignité de l'homme est de continuer son combat. 
Et de pouvoir s'acquitter d'une dette. Je dois défendre le monde que je vais transmettre à mes enfants, mètre par mètre.
Si je perds, je l'aurais défendu, mais si je gagne, j'aurais transmis quelque chose de beau et de très libre à mes enfants.
Je ne dois pas baisser les bras parce que je ne veux pas que ma défaite soit double. Je ne veux pas que ce soit la défaite d'une histoire et en même temps la défaite d'un individu.
Ma conviction, ma dignité, est de continuer à écrire, à proposer autre chose, à défendre ce en quoi je crois.
C'est mon rôle, c'est ma conscience qui me le dicte, c'est mon éducation, c'est mon héritage, et c'est ma vie qui me l'impose. Je pense que la vie c'est un don, mais qu'on doit aussi défendre. Et le souci de la dignité pour moi est sacré."

Ecouter l'entretien, les paroles de Kamel Daoud sont puissantes.


*

J'étais en train de lire Le chercheur d'absolu de Théodore Monod (1997, Le cherche midi) et les mots que je venais de lire n'en finissaient plus de résonner de vérité :

"L'essentiel est de montrer que tous les hommes n'étaient pas d'accord. C'est indispensable pour l'honneur de l'être humain.

La civilisation "n'est en effet ni la richesse, ni la puissance, ni la vitesse, ce dieu moderne. Ce ne sont là que des moyens. Jamais l'homme n'a eu tant de moyens à sa disposition, jamais il n'a été dans une aussi parfaite ignorance des fins auxquelles il les devait appliquer. La civilisation vraie se définira par ses fins, qui seront nécessairement la culture des attributs distinctifs de l'humanité, ceux que l'homme est seul à posséder. En vitesse il sera battu par la gazelle, en diligence par la mouche maçonne, en force par l'éléphant, en férocité par la panthère, et les fourmis réaliseront mieux encore que lui l'idéal de l'Etat totalitaire. Ce qui lui appartient en propre c'est la raison qui poursuit la vérité, le sens du juste et de l'injuste qui conditionne la vie morale, l'émotion esthétique, à la recherche de la beauté. Pas de civilisation véritable dans une société qui ne fera pas leur place à ces trois éléments. Donc pas de civilisation possible dans une société où l'homme n'est plus libre de penser, d'agir, de créer, sous un régime totalitaire par exemple." Théodore Monod, Réflexions sur le sens du conflit, Dakar, conférence, 4 avril 1943.

Et aussi, bien des réflexions nées d'une longue vie à l'"école du désert". Cette mise à distance que permet la plongée dans le désert, la vie nomade, la recherche scientifique, la spiritualité, qui fait voir notre société pétrie de violence, de bavardages et de possessions inutiles - dépourvue de consistance.


*

Comme Kamel Daoud je pense qu'on est en train de perdre. L'argent, l'attrait pour la possession, la puissance, la violence, les "fascismes" sous toutes leurs formes sont en train de gagner et de finir de ronger l'homme et le monde. Alors s'il reste un espoir et un sens dans tout ça, c'est bien dans cette dernière chose qui est exprimée. Cela fait peut-être déjà longtemps mais je crois que l'on est définitivement dans cette phase de l'humanité : celle où il ne lui reste que cette chose : résister.