dimanche 23 décembre 2018

De l'air





"Enfin, un jour, ce fut l'illumination ! Su Dongpo connut un moment d'extase, libéré de toutes les attaches de ce monde impermanent. Il composa aussitôt ces vers :

Je me prosterne devant le Ciel
A l'intérieur du Ciel
Dont la fine lumière
Eclaire l'univers !

Assis paisiblement
Sur le lotus pourpre doré,
Les huit vents
Ne peuvent m'ébranler !

Il faisait référence aux huit préoccupations mondaines évoquées dans les soutras : gain et perte, renommée et déshonneur, éloge et critique, plaisir et souffrance. Ayant écrit le poème avec un art consommé de la calligraphie dont il était passé maître, il le fit porter à Foyin dans l'espoir que son ami reconnût enfin ses mérites et confirmât son Eveil.
Au retour du messager, Su Dongpo s'empressa de lire la réponse. Au bas de sa calligraphie hautement poétique et spirituelle, le maître chan avait ajouté ces vers :

Ce poème ne me fait
Pas plus d'effet
Qu'un simple pet !

Furieux que son illumination fût ainsi balayée, et son style critiqué, l'inestimable poète trouva que son ami avait dépassé les bornes. Il décida aussitôt d'aller lui rendre visite afin de lui régler son compte !
Su Dongpo prit le bac pour traverser le Yang-tsé, grimpa le sentier d'un pas décidé jusqu'à la porte du temple de la Rosée Céleste qu'il trouva fermée. Dessus était placardée une grande feuille de papier calligraphiée. Il y découvrit ce poème :

Quelqu'un prétend
Que les huit vents
Ne peuvent l'ébranler
Mais un simple pet
Lui a fait traverser
Le Yang-tsé !
"

in Contes des sages zen, Pascal Fauliot.



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