vendredi 20 mars 2020

Ceci n'est pas un objet, je suis en relation, nous sommes en relation




Petite lecture au calme :

"L'intersubjectivité, le *O mitakuye oyasin* des Lakota, traduit aussi par "avec moi sont tous les miens" et simplifié par : " tout est relié". Une vision qui n'a rien d'intellectuelle, mais qui est vécue au quotidien.

"A la différence de l'interdépendance, qui se limite à une logique de cause à effet entre "moi" en tant que sujet, et le monde, l'autre, qui devient objet (et donc à une dépendance d'un sujet (moi) à un objet (l'autre, la nature), la vision intersubjective contient la conscience de l'expérience de l'autre. Et elle sait que tout ce que le sujet "je" fait et dit, a un effet sur un autre sujet. Autrement dit, tout est sujet plutôt qu'objet. L'autre, qu'il soit humain ou pas, n'est pas une chose inerte. Une perception traduite dans la langue des Kagaba par l'absence de "je", ou encore dans la langue des Tojolabal du Mexique par l'absence, dans sa structure grammaticale, de complément d'objet : ce sont deux sujets qui entourent le verbe, expliquait le théologien, philosophe et linguiste Carlos Lenkersdorf, qui vécut de nombreuses années à leurs côtés. Ainsi, pour dire : "Je t'ai dit", le tojolabal dirait : "J'ai dit, tu as écouté." Une structure qui traduit un rapport au monde où chacun est sujet, jamais subordonné, et toute relation, intersubjective. "Dans la société intersubjective, décrit le linguiste au sujet des Tojolabal, du fait que les autres sont aussi sujets, c'est-à-dire nos frères qui ont un coeur comme nous, il n'est pas possible de les convertir en objets qui font obstacle à notre liberté et qui s'opposent à elle. La liberté ne s'obtient pas en opposition à eux mais en collaboration avec eux. La communauté ne fait pour eux nullement obstacle à la vie en liberté, mais au contraire, c'est la vie en communauté qui octroie la liberté à ceux qui sont bien unis." A noter qu'en tojolabal (comme en kagaba), il n'existe pas de mot pour dire "ennemi", et que pour dire : "Je pense", ils disent : "Mon coeur dit.""

In Frederika Van Ingen, Ce que les peuples racines ont à nous dire.


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