mardi 5 février 2019

Utiliser le mot Permaculture ? (suite)


Lien de la première partie de l'article, qui permet de comprendre ce qui est écrit ci-dessous : https://supercabane.blogspot.com/2019/02/utiliser-le-mot-permaculture.html.





Je m'aperçois que j'ai négligé de mentionner clairement l'élément relationnel, social, de groupe... dans ce thème (merci Christophe !). 
Effectivement, si tout part de l'intérieur - sans quoi le monde n'existerait pas pour moi, pour vous -, nous sommes en relation. Dans le monde, nous sommes apparemment séparés et en même temps nous n'existons pas tout seul. Nous sommes même en relation avec la "microfaune" de "notre corps" qui "protège notre intégrité physique" (jusqu'à un certain point !).
Les relations humaines sont bien au coeur de ce thème. Les mots évoqués sont effectivement des mots derrière lesquels des êtres humains se regroupent, parce qu'on les créé pour traduire une façon d'organiser, de penser la vie ensemble justement. Notons qu'aujourd'hui la pensée de la vie ensemble n'intègre plus seulement les êtres humains, mais tous les éléments de la nature dont ils font partie car on se prend de plein fouet la réalité de l'interdépendance de tous ces éléments, humains compris (tiens, c'est étonnant, certains regroupements d'êtres humains sur la planète ont intégré cela depuis longtemps, sans recours à "nos" connaissances scientifiques, et sans la provocation de catastrophes écologiques).
Donc on crée des nouveaux mots du fait de cette réalité "nouvellement comprise" pour nommer de nouvelles façon d'aménager le fait qu'on n'est pas tout seul, qu'on a "besoin les uns des autres". 

Si on est en train d'intégrer la dimension non humaine dans le relationnel et dans l'organisation de la vie ensemble, nous n'avons toujours pas réglé nos problèmes relationnels entre êtres humains ! On est encore à la recherche de mots, de pensées, d'aménagements, à adopter, qui vont les régler. Dites, on ne serait pas toujours embourbé dans le même problème ?! 
Et il y a fort à parier que si l'être humain "résout" son problème relationnel avec ses semblables, il résoudra par là-même son problème relationnel global avec "le vivant" car c'est en fait le même état dysfonctionnel qui fait que l'on ne voit pas le vivant dans son semblable, et qu'on ne le voit pas dans tous les éléments de ce monde, non humains compris.

Or visiblement, parce qu'on commence à avoir un peu d'expérience en la matière, ça ne passe pas par une solution miracle à plaquer à une situation.

D'abord, qu'est-il alors ce "besoin les uns des autres" entre êtres humains mentionné plus haut ? Qu'est-ce que vous, vous, mettez derrière cette expression ? Questionnez-la pour vous-même réellement.
Je vais donner temporairement ici une forme de réponse "historique", plus globale (et très partielle !) :
Est-ce le besoin que les autres se conforment ?
Car souvent, dans les faits, ça s'est traduit par : 
Toi et moi, on marche ensemble pour s'en sortir. Mais il nous faut un contrat commun. Sinon j'ai trop peur que tu me fasses une entourloupe et que je ne m'en sorte pas. Il nous faut une entente, ok, mais comme j'ai peur que ce ne soit pas respecté, il faut que cette entente ait un règlement qui me donne le droit de te tuer - bon de t'emprisonner, si tu ne le respectes pas ("Comble-moi, rends-moi heureux et ne t'avise pas de me quitter, ok ?"). 
Puis, au final, comme nous sommes plus intelligents que les autres hein, ce règlement, nous en faisons une bannière que le monde entier devrait adopter. Il faut que l'autre "soit" comme on a envie qu'il "soit", qu'il se conforme. 
C'est absurde, on se rend malheureux depuis des temps immémoriaux avec ça.
On a l'impression de créer des super idées pour vivre ensemble : enfin, on a la solution pour pouvoir durer dans ce monde ! Vite, il faut que tout le monde sache ça et on est perdu si on n'applique pas les choses de cette façon !
Sauf que ce monde est impermanent, imparfait, conditionné, que nous ne sommes pas omniscients, etc. Donc on se trompe forcément quelque part.

Alors, de fait, on vit quand-même ensemble... Comment fait-on pour ça ?

C'est de là qu'on en vient à exprimer préalablement que si on est clair à l'intérieur, on est clair à l'extérieur. C'est la "première" étape (si on doit séquencer). Or, depuis que l'on "se" pense "soi-même", à l'échelle de l'évolution humaine, on n'est pas clair à l'intérieur et on le fait se manifester à l'extérieur.
On étend notre façon d'être au monde.
Qu'est-ce qu'on fait ? On se remplit de trucs, d'idées, d'objets, de pensées, en fonction de son propre contenu de vie, de son histoire, de son contexte, des émotions vécues et accumulées, etc.
Et puis, avec ce contenu et à partir de lui, on va dire que telle ou telle chose est mieux qu'une autre, on évalue, on fait des classifications... Et on se positionne, et on s'identifie, et on incarne des rôles, etc.
On crée un faux sens de soi. Et comme ce faux sens de soi est très fragile car il ne repose sur rien de solide, sur rien d'absolu (on pourrait même dire sur un foutoir bringuebalant), il se sent toujours menacé. Il faut toujours "se" défendre, "se" justifier ; et parallèlement, il faut chercher à "s"'étendre pour "se" renforcer en convainquant les autres, en acquérant de nouvelles choses, etc. 
Et, ultimement, il faut créer un truc absolu auquel tout le monde doit se conformer comme ça c'est plus simple ("Dieu" ?, les "Droits de l'Homme" ?, la "Permaculture" ?... - pour reprendre les mots évoqués dans le précédent article).

Si ça ce n'est pas nous, alors qui sommes-nous ? C'est justement la question qu'il y a à se poser... Et il n'y a pas de réponse arrêtée... C'est bien cela que l'on n'accepte pas. Ne pas pouvoir se définir. On passe ainsi son temps à combler un manque, en ajoutant des trucs.
Peut-on s'arrêter 2 secondes, et regarder ce "vide" ?
C'est justement en sentant, en voyant cet "espace" en soi, derrière les sens et le mental, que l'on vient au plus près de la "vie" indéfinissable, illimitée. 
Comme dit au début du post précédent, avec les mots, on ne peut pas traduire l'indicible. C'est la pensée humaine, la pensée n'est pas ce qu'on est. On est autre chose derrière ça. Il y a une autre dimension en nous qui englobe les pensées, les émotions, les sensations, les expériences, et qui les voit telles qu'elles sont.
Tant qu'on a peur, qu'on n'est pas à l'aise avec ce "vide", on se prive d'expérimenter le fait de prendre conscience des étiquettes que l'on colle partout, d'aller dans cet espace intérieur où on voit les choses de façon non conditionnée. Tout le monde "a" ça, tout le monde "est" ça. 
Au-delà des rôles que l'on joue, qui peuvent être celui de la personne infâme, ou celui de la personne infime, timide, inoffensive, qui a peur d'être moins bien et nourrit secrètement l'envie d'être supérieure... 
Cela suppose de partir de là où on est, dans le moment, en revenant toujours ici, dès qu'on est embarqué dans des projections, dans un vouloir qui n'est pas là, ou autre chose...

"Ensuite" (si on continue à séquencer), on fait le lien entre cet espace intérieur et l'incarnation dans le monde.
Et c'est là qu'on voit déjà que la plupart de nos relations sont faussées car on joue des rôles conditionnés, etc. Imaginez des "faux sens de soi" qui parlent entre eux ce que ça donne ! Et qui pensent dire des choses très intelligentes.
Donc on revient toujours au moment qui n'existe que maintenant, par cet espace de conscience, qui n'est pas dans la tête, qui n'est pas le raisonnement mental, mais qui est aussi sentir son corps, voir ses émotions, ses pensées, ses sensations. Les accepter sans les laisser nous embarquer dans une histoire qui nous ferait dire par exemple : je suis malheureux parce qu'on m'a attaqué, donc j'attaque, j'ai le droit du coup, etc. Le "malheur" est "mon histoire malheureuse", une fiction que j'entretiens. Ce qui est réel cela peut-être des faits réels, un coup que l'on a pris, un inconfort, une douleur, de la souffrance, une émotion lourde qui fait mal dans la poitrine... Ce sont des émotions, des choses, des pensées, que l'on entretient si on les grave dans le marbre. Or, on est capable de transmuter cela, d'aller au-delà de ce qui n'est pas soi.
Ce n'est pas du contrôle mental, un truc qu'on se met dans la tête dans le but de devenir "parfait", ni du stress... C'est une sorte de vigilance calme de l'instant. Mais paradoxalement ce qui peut aider c'est de laisser aller, ne pas se préoccuper de ce qui se passe, et revenir à la sensation de vie à l'intérieur du corps, qui n'est pas une sensation par les sens pourrait-on dire, c'est au-delà, cela ramène à la "conscience" (je peux mettre un autre mot qui me permet d'appréhender cette réalité).
De là, on revient au monde et à la situation qui est en train de se dérouler, et on peut éventuellement poser un geste à partir de cet espace d'intelligence. C'est simplement à expérimenter.

Tout ceci n'est pas un repli sur soi, et ne nous empêche pas d'élaborer des moyens de s'organiser à plusieurs. Nous partons alors de l"'intelligence" telle qu'elle est décrite plus haut, et nous ne partons pas d'un concept que nous essayons de coller à une situation, concept qu'on nous a peut-être vendu, puis que nous essayons de revendre à notre tour, avec tout ce qu'on y a mis de "soi", qu'il faudra donc faire attention à défendre, etc.
Et nous pouvons prendre du plaisir à être ensemble et à créer. Parce qu'il n'est question que de ça. Il n'y a rien de figé dans le monde, c'est une vue de l'esprit, l'univers est un processus constant. Donc nous sommes tout le temps en train de créer. Et si nous voyons clairement tout ce qui nous gêne pour ça, ce qui fige, ce qui fascine de façon "morbide", les mots, les pensées qui viennent nous prendre toute notre attention, en disant : " Coucou ! Regarde comme je suis importante !", eh bien qui sait ce que nous ferons ? 
Sans mettre une pensée là-dessus, car cela n'existe pas ce que l'on fera, et il est vain d'essayer de faire de la suggestion pour quelque chose qui n'est pas là, mais on sait déjà en expérimentant que cela permet de commencer à sortir des vieux schémas réactionnels conditionnés que l'on se traîne. Et déjà, rien que de les voir, même s'ils sont encore très souvent là, c'est un pas très important par rapport à l'état d'"inconscience" qui prime depuis des années et des années.

Ce qui est important c'est la façon de se comporter vis-à-vis de la pensée, plutôt que la pensée en elle-même. La pensée est outil, or on fait de cet outil une fin en soi et on s'en sert "mal". Et ce qui se passe c'est que les "personnes vivantes", on s'en sert comme des outils, à jeter éventuellement s'ils ne sont pas conformes à ce qu'on voudrait. On ne voit plus le vivant, on préfère même parfois le mot à la personne - c'est l'abominable aberration. 
Elle est pratiquée bien sûr en masse à l'échelle collective, de façon encore plus désincarnée, mais aussi à l'échelle individuelle, dans "nos petites vies" - peut-on le voir ?

Ce n'est pas écrit à l'avance ce qu'on fera ensemble. Simplement, on ne peut pas partir d'une idée, qui n'existe qu'en pensée, en se disant qu'on fera le bien avec cette idée. "La route vers l'enfer est pavée de bonnes intentions", dit-on. C'est ce qu'on a toujours fait, et on a le monde qu'on a.
Partons de l'intérieur, clarifions, voyons-nous nous-mêmes et allons dans le monde vers les autres et voyons ce que l'on est en train de faire ensemble. Chaque moment est tout petit. La grandeur des évènements est une vue de l'esprit. Soyons à chaque moment vigilants, attentifs au signe qui nous invite à nous reposer : 
qui suis-je ?         - vide -
Ceci n'est pas une nouvelle croyance à adopter, est-on simplement prêt à l'expérimenter ?

Effectivement, derrière le mot permaculture, il y a des expériences réelles de partage, de création de communauté pour s'organiser et vivre, qui se questionnent. 
Ce, d'une façon beaucoup plus horizontale entre les personnes, et autonome, que ce qu'on peut connaître dans un schéma d'Etat classique qui perçoit l'impôt et pourvoit aux "besoins" (aujourd'hui plutôt assimilés à la consommation, l'administré étant rendu passif par la politique menée et vu comme un consommateur et un individu isolé). 
Cela concerne le politique, au sens de l'organisation de la vie de la cité.
S'intéresser au concept de permaculture, cela peut donc être une rupture, une remise en question (par rapport à la condition de consommateur et d'individu isolé), si nous portons réellement notre attention sur des questions comme : qui sommes-nous dans ce monde (par rapport à la "nature" qui n'est en fait pas distincte) ?, quels sont nos besoins réels ?, quelle responsabilité prenons-nous par rapport à ceux-ci et par rapport à notre impact dans le monde ?, comment envisageons-nous la communauté, les relations, les "autres" ?... (avec toujours présent à l'esprit : qu'est-ce qui m'anime à l'intérieur au moment où je me pose cette question ? ou au moment où je pose un geste ?).



Camille





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