jeudi 19 septembre 2013

Ça ne se fait pas de parler de soi



(Attention EGO, je préviens - les enfants sont gardés, c'est la semaine de l'égocentrisme, ne me demandez pas pourquoi je peux être aussi prolixe en la matière)

J'ai vu le beau portrait de Christophe Robin réalisé par la géniale Mai qui aborde la sublimation par la coloration des cheveux. Il a, enfant, assisté à des séances de magie qui transformaient sa mère et ses copines et a voulu lui-même devenir magicien une fois adulte. 

Je me disais que dans ma vie j'ai très peu touché à mon corps. 
Jamais de coloration, jamais de tatouage, pas envie, ça ne m'attire pas. Le côté définitif du tatouage me repousse carrément, mais je n'ai même pas essayé quelque chose de temporaire. D'abord quel symbole je choisirais, où je le mettrais et pourquoi je l'écrirais sur mon corps ? Ce sont des questions que je formule aujourd'hui mais que je ne me posais même pas consciemment, ça ne m'attirait pas. 
J'ai eu les oreilles percées à 6 ans, un rite traditionnel si on peut dire. Elles ne le sont peut-être plus d'ailleurs depuis le temps que je n'ai pas porté de BO. J'ai juste ajouté un piercing en haut de l'oreille à l'adolescence pour dire 'chuis une rebelle'. 
Presque pas de maquillage, je n'arrive pas à prendre ce temps et je fais toujours un peu les mêmes choses sinon je me sens vite déguisée. Le vernis à ongles j'aime bien mais c'est exceptionnel, je ne prends pas de temps pour ça non plus.
Depuis quelques années je ne porte plus de parfum, l'odeur me gène quand elle me suit et qu'elle est trop présente même si je trouve qu'elle sent bon.
En fin de compte, les contraintes du corps sont plutôt réservées chez moi aux occasions de fêtes (qui, vous l'aurez compris, n'ont pas lieu tous les jours !).

Ça y est, j'ai fini de raconter ma vie, enfin presque.
Pourquoi j'agis ainsi ? Est-ce que j'ai besoin de respecter mon intégrité, de ne pas modifier ma nature profonde, mon corps est-il à ce point sacré ? C'est vrai, j'en parlais dans le précédent billet, j'ai plutôt besoin d'être dans ma bulle et pas touche. 
Est-ce que je voudrais effacer ma personnalité ? Je n'ai pas envie qu'on me remarque plus que ça, ça oui, qu'on puisse penser que 'je fais la belle' (oui, Mai, il y a du chemin avant qu'on arrive à se décomplexer et vivre une féminité libérée), qu'on puisse penser que je fais partie d'une caste. Mais ma personnalité c'est celle-là, ne pas ajouter des choses qui me semblent être des artifices. 
Tout ça me donne envie de m'intéresser à la démarche de ceux qui choisissent d'apparaître quotidiennement grimés, fardés, colorés ou dé-colorés... marqués parfois. Au-delà du maquillage-habit-armure sans lequel on ne peut sortir sous peine de se sentir nu et vulnérable, ou du maquillage-camouflage d'imperfections ou de la couleur-camouflage de cheveux blancs, Christophe Robin voit de plus en plus une volonté d'affirmer sa personnalité à travers sa transformation. Personnalité ? Pas identité donc. 
Alors, s'affirmer, voire même marquer une différence, se singulariser ? Ou faire comme celles/ceux qui sont considéré(e)s comme belles/beaux ou qui appartiennent à tel groupe identifié (Christophe Robin parle aussi des 'leaders d'opinion') ? (Ou faire comme notre mère ?)
Qu'est-ce que vous en pensez ? Est-ce que vous avez une attitude décomplexée : c'est un jeu, il faut faire la fête tous les jours et se grimer ? Est-ce que vos transformations tendent à la beauté ? (rôoolala mais c'est quoi la beauté ?) Est-ce que vos transformations sont un moyen d'exprimer quelque chose qui vous appartient ? quelque chose que vous voulez dire aux autres ?...

Coïncidence : je suis tombée en fouillant dans mes cartons (rapport à un déménagement d'il y a deux ans... hum) sur un numéro spécial du magazine Géo de 2005 sur les parures du monde. Y figure un extrait du livre "Le vêtement incarné, les métamorphoses du corps" de France Borel, édition Calmann-Lévy, 1992 : "(...) la constance reste la transformation des apparences. Même nos cultures occidentales contemporaines, derrière le culte de l'intégralité du corps, ne cessent de le changer en l'habillant de muscles, de bronzage ou de fards, en lui teignant la chevelure ou en lui arrachant les poils. Les gestes apparemment les plus innocents de l'entretien du corps cachent souvent une tendance persistante et déguisée à l'assujettir à des normes strictes qui le revêtent d'un voile de civilisation. Sous aucun tropique ne persiste la nudité intégrale offerte par la naissance. L'homme met son empreinte sur l'homme. Le corps n'est pas un produit de la nature, mais de la culture."

Edit du 18.12.13 : Il faut aller voir ce beauty portrait de Valérie Solvit par Timai ! Se maquiller, c'est se préparer à rencontrer l'autre. Ce sont les épices qu'on se met. Un regard qui donne envie !

4 commentaires:

  1. merci pour ce post. nous mettons des choses tellement différentes derrière les mêmes gestes. certains diront porter "atteinte à l'intégrité du corps" et d'autres au contraire, "l'anoblir". je pense aux hommes fleurs. ca peut etre tellement beau de se faire beau.
    le sujet principal c'est soi. et quelque soit la conclusion du geste ou du non geste, ce qui compte c'est l'intention initiale. montrer que l'on s'aime, que l'on se respecte, et non que l'on a peur, notamment du regard des autres. encore une fois ne pas se maquiller ou le faire "trop" peu rentrer dans chacune de ces cases. c'est à chacun de se rendre honnête et de chercher sa vérité. mille bises camille! timai

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci Timai, tu as raison, ça peut être très beau de se faire beau !

      Supprimer
  2. Se cacher derrière une couleur de cheveux ratée et puant le peroxyde, se chercher avec des longueurs variées , se rebeller avec des trous trous et peut être graffitis encrés, s'affirmer avec un parfum de 'attention la femelle est dans la place' , se sublimer avec la palette, jouer avec les styles , se soumettre aux diktats sévère et douloureux du 100% tondu ... Grave épuisant la recherche d'identité et du 'ca y'est je suis enfin trop belle' ...Peine perdue ...s'oublier....enfin s'accepter en tombant sur les photos bien cachées des loupés passés.... Voila un peu mon parcours. J'admire ta capacité a t'accepter et ton honnêteté envers toi et les autres . Chapeau .

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. On a toutes notre manière de répondre à l'impératif de joliesse qui s'impose à nous dès petite fille.
      Mais retrouver du plaisir à se faire belle, redonner du sens à nos gestes de beauté, finalement mettre du beau dans le fait de se faire beau, c'est ça se sublimer via les artifices non ?

      Supprimer